La Fédération canadienne des municipalités invite tous les partis fédéraux à s’engager à réaliser huit actions ciblées pour remédier à la crise de l’abordabilité du logement au Canada.

Nos recommandations s’appuient sur les progrès importants accomplis ces dernières années pour s’assurer que les Canadiens avec des revenus faibles ou modestes ont accès à un logement qu’ils peuvent se payer. Si ces recommandations sont adoptées, elles s’attaqueront aux obstacles de la livraison du logement social et abordable et à l’écart entre les loyers du marché, les prix des maisons et les niveaux de revenus.

Le logement pour les Canadiens à revenu faible ou modique

Leadership pour s’attaquer à la crise de l’abordabilité du logement

Maintenir le leadership fédéral dans le logement social et abordable et dans la lutte à l’itinérance

Créer un forum intergouvernemental sur l’accès au logement

Établir un fond pour la construction de logements avec service de soutien

Lancer un programme de préservation des logements locatifs privés

Créer une initiative pour l’habitation autochtone sociale et abordable

Concevoir un nouveau programme d’adaptation de logements pour les aînés

Optimiser l’Initiative des terrains fédéraux

Enrichir les données fédérales sur l’habitation et établir un nouvel indicateur sur l’abordabilité

Les actions spécifiques et les principales données qui expliquent chaque recommandation sont présentées ci-dessous. Tous les engagements financiers sont requis pour une période de huit ans afin de s’aligner avec les investissements de la Stratégie nationale du logement et d’avoir un effet de levier sur ceux-ci.

Le logement pour les Canadiens à revenu faible ou modeste

Maintenir le leadership fédéral dans le logement social et abordable et dans la lutte à l’itinérance

  • Maintenir les investissements et les priorités de la Stratégie nationale du logement (SNL) qui visent le logement social et abordable pour les Canadiens à revenu faible ou modeste.
  • S’assurer que les investissements sont répartis efficacement dans toutes les régions et donner la priorité aux collectivités qui connaissent des besoins profonds en matière de logement et celles qui ont des terrains au coût élevé.

Des faits

  • La SNL répond à des priorités essentielles des gouvernements locaux :
    • Construire et remettre en état le logement social et abordable.
    • Maintenir les subventions au loyer pour les ménages à faible revenu lorsqu’elles arrivent à échéance.
    • Augmenter les investissements locaux pour la lutte à l’itinérance.

Établir un fond pour la construction de logements avec service de soutien

  • Créer un fonds dédié à la construction de logements avec service de soutien pour des personnes en situation d’itinérance ou qui vivent des problèmes de santé mentale, de dépendance ou d’autres défis.
  • Corriger une importante lacune de la SNL en créant 2 300 logements avec service de soutien par année, en plus de ceux réalisés grâce aux fonds actuels de la SNL. Cela permettra d’atteindre au moins une cible de la SNL, soit la réduction de moitié de l’itinérance chronique.
  • Le montant de ce fonds est estimé à 365 millions de dollars par année, basés sur une contribution fédérale atteignant jusqu’à 100 % des coûts totaux de construction s’établissant à 150 000 $ par logement. (Les coûts de chaque logement sont plus élevés pour les logements avec service de soutien dans le Nord.)
  • Le gouvernement fédéral doit compenser les provinces et les territoires qui ont déjà un programme de construction de logements avec service de soutien solide et dédié, soit, actuellement, le Québec et la Colombie-Britannique.

Des faits

  • Le système canadien de refuge d’urgence fonctionne à plus de 90 % de sa capacité. Il a connu une augmentation de 10 % de la demande entre 2005 et 2014 (Étude nationale sur les refuges 2005-2014).
  • La relation entre la santé mentale, la dépendance et l’itinérance est claire. Entre 25 % et 50 % des personnes en situation d’itinérance au Canada vivent avec une maladie mentale (Commission de la santé mentale du Canada, 2011).
  • La crise des opioïdes persiste, affectant des communautés dans chaque partie du pays. Il y a eu plus de  11  577 morts liées aux opioïdes au Canada entre janvier 2016 et décembre 2018. De ce nombre, 94 % étaient accidentelles. (Statistiques Canada, 2018)

Créer une initiative pour l’habitation autochtone sociale et abordable

  • Créer un nouveau programme pour soutenir la construction, l’acquisition et la remise en état de logements sociaux et abordables culturellement appropriés pour les ménages autochtones dans les villes et dans les collectivités.
  • Cela comblerait une lacune dans la SNL en produisant 1 000 logements de plus par année que ceux dont elle prévoit déjà le financement.
  • Développer et implanter ce nouveau programme en collaboration étroite avec le secteur du logement autochtone. Mettre en place une gouvernance qui permet aux fournisseurs de logement autochtone et aux représentants autochtones de participer au processus d’allocation de fonds.
  • Le coût estimé de cette mesure est de 162,5 millions $ par année, basé sur une contribution fédérale de 70 % du coût total de construction ou d’achat et de remise en état pour des logements de 225 000 $ chacun. (Les coûts sont plus élevés par logement pour le logement dans le Nord.)

Des faits

  • La majorité des Autochtones vivent dans des villes et des collectivités.
  • 34 % des ménages autochtones locataires hors réserve connaissent des besoins impérieux en logement comparé à 26 % des locataires non autochtones. (Statistiques Canada 2017)
  • Le revenu total moyen des personnes autochtones correspondait à 75 % de celui des personnes non autochtones en 2015. C’est un écart de 25 %. (Centre canadien des politiques alternatives, 2017.)

Optimiser l’Initiative des terrains fédéraux

  • Élargir le programme en rendant les terrains fédéraux en surplus disponibles pour le logement social et abordable.
  • Laisser les municipalités identifier les terrains, au lieu du gouvernement fédéral, pour accélérer le lancement de projets essentiels de logements.
  • Ajuster le mandat de la Société immobilière du Canada pour donner la priorité à l’offre de terrains au logement social et abordable. La Société a déjà inclus du logement social et abordable dans ses redéveloppements, mais seulement au cas par cas.
  • Ces recommandations nécessitent des fonds additionnels de 20 millions de dollars par an, ce qui double le niveau d’investissement du gouvernement fédéral dans la SNL et l’amène à 40 millions de dollars.

Des faits

  • En avril 2019, seulement cinq terrains ont été rendus disponibles avec l’approche fédérale actuelle pour identifier les terrains excédentaires.
  • Depuis 2013, la Western Manitoba Seniors Non-Profit Housing Co-operative a inauguré deux ensembles de logements abordables pour les aînés à Brandon, au Manitoba. Cela a été rendu possible grâce aux dons de terrains et aux autres subventions de la ville de Brandon. Au total, les deux ensembles immobiliers représentent 97 logements pour les aînés, dont 82 logements abordables.
  • En 2018, la ville de Vancouver a approuvé une proposition pour développer du logement abordable sur sept sites lui appartenant. Il y aura 989 nouveaux logements prêts pour occupation d’ici 2021.
  • Le programme Housing Now de la ville de Toronto fournit 11 parcelles de terrains appartenant à la ville pour le développement de quelque 10 000 maisons et approximativement 3 700 logements abordables locatifs.

Le leadership requis pour faire face à la crise de l’abordabilité du logement

Créer un forum intergouvernemental sur l’accès au logement

  • Créer un forum où les différents ordres de gouvernement unissent leurs forces pour s’attaquer à la crise de l’abordabilité du logement. Chaque ordre de gouvernement est responsable de différents leviers concernant l’habitation : par exemple, responsabilité fédérale sur différents volets de la demande, rôle législatif des provinces, rôle municipal dans la planification et les approbations. Seule une collaboration intergouvernementale peut régler la crise.
  • Le forum devrait s’attaquer à des enjeux comme la spéculation, le déploiement de mesures axées sur la demande qui améliorent l’abordabilité ainsi qu’une meilleure compréhension et une meilleure réaction face au rôle des locations à court terme. Il pourrait aussi permettre d’accroître la boîte à outils municipale pour favoriser l’innovation en habitation.

Des faits

  • L’augmentation des loyers et des prix des maisons dans plusieurs collectivités a largement dépassé la croissance des revenus dans la dernière décennie. Plus de Canadiennes et de Canadiens peinent à payer leur logement.
  • Ces pressions sans précédent du marché de l’habitation, particulièrement dans les grandes villes, représentent une menace inégalée pour notre future prospérité économique.
  • Au Canada, 40 % des locataires dépensent 30 % et plus de leur revenu pour se loger. Cela inclut les 80 % de ménages avec des revenus en bas de 20 000 $, qui paient plus de 50 % de leur revenu pour le logement (Indice de logement locatif canadien, 2018).
  • Une maison de prix moyen requiert presque 52 % du revenu médian des ménages pour couvrir les coûts de propriétés (hypothèque, taxes foncières, services) (RBC, 2018).
  • En 2018, le taux d’inoccupation des logements à la grandeur du Canada était de 2,4 %. De novembre 2017 à novembre 2018, toujours pour l’ensemble du pays, les loyers ont augmenté de 3,4 %, un taux plus élevé que l’inflation (SCHL 2018). Un taux de logements vacants de 3 % représente généralement un taux équilibré. 

Lancer un programme de préservation des logements locatifs privés

  • Mettre en place un nouveau programme fédéral pour préserver et améliorer les logements locatifs privés vieillissants, à loyer peu élevé, en utilisant une combinaison d’incitatifs fiscaux fédéraux et de subventions. Le marché des logements locatifs plus anciens offre généralement des habitations à moindres coûts, comparés aux condos locatifs ou aux logements neufs. Comme il s’agit de logements plus vieux, ils nécessitent des réparations importantes et des modernisations.
  • Ce programme protégerait l’abordabilité du parc de logements locatifs plus ancien et éviterait sa détérioration, ainsi que les évictions pour rénovations ou la transformation de 40 000 logements qui réduiraient l’offre de logements locatifs.
  • Il pourrait aussi inciter les propriétaires à entreprendre des rénovations qui améliorent l’efficacité énergétique. Cela réduirait les émissions de gaz à effet de serre, une action significative pour le climat, et aiderait à lutter contre la pauvreté, en diminuant les coûts de l’énergie pour les locataires.
  • En plus de réduire les émissions de GES, la rénovation d’immeubles de logements locatifs anciens peut aussi améliorer la résilience aux changements climatiques. Des améliorations dans l’enveloppe du bâtiment, et dans les systèmes de refroidissement en particulier, ainsi que la possibilité d’ajouter des aménagements naturels à la propriété, pourraient atténuer l’effet « îlot de chaleur » et réduire les risques de santé durant les canicules pour les populations vulnérables.
  • Un tel programme complèterait les programmes d’efficacité énergétique existants pour les fournisseurs de logements sans but lucratif.
  • Ce programme serait constitué principalement d’un crédit de taxes d’une valeur de 75 % du coût approuvé des réparations et des modernisations. Le crédit pourrait être réclamé sur une période de cinq ans par les propriétaires. Pour assurer le maintien de l’abordabilité, les propriétaires devraient accepter de ne pas augmenter les loyers au-delà des limites permises (ou au-delà de l’IPC) pour au moins 20 ans.
  • Une subvention additionnelle serait disponible pour les propriétaires qui entreprennent des réparations ou des modernisations particulièrement ambitieuses et qui possèdent peu de logements dans leur immeuble, ce qui entraîne un écart financier plus important à combler.
  • Le coût estimé de ce programme est de 250 millions $ par année et permettrait de réaliser des réparations et des modernisations dans 40 000 logements.

Des faits

  • Environ un Canadien sur trois est locataire.
  • Le nombre de locataires ayant des besoins impérieux en matière de logement a augmenté de 13% entre 2011 et 2016 (SCHL, 2017).
  • Actuellement, 76 % des logements locatifs au Canada ont plus de 36 ans (Tower Renewal Partnership, 2019). Cela va des tours d’habitation aux immeubles sans ascenseurs avec seulement quelques logements. À part un petit nombre de logements sociaux et abordables, la vaste majorité de ces immeubles de logements locatifs est détenue et gérée par le secteur privé (entreprises avec plusieurs bâtiments, propriétaires/gérants individuels d’une seule propriété, etc.).
  • Entre 2011 et 2016, le nombre de logements avec un loyer sous 750 $ par mois à diminué de près de 400 000 (Pomeroy and Lampert, 2017).
  • Les maisons et les immeubles produisent 12 % des émissions de GES au Canada (Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, 2017).
  • Les immeubles existants sont moins performants en efficacité énergétique que les nouveaux. En 2050, ils vont constituer au moins la moitié du parc d’immeubles canadien (Pembina Institute, 2017).

Concevoir un nouveau programme d’adaptation de logements pour les aînés

  • Créer un programme qui compense les coûts d’adaptation des maisons (barres d’appui, rampes et appareils élévateurs) pour aider les aînés à vieillir dans leur maison, en sécurité et à un coût abordable.
  • La FCM recommande trois volets de financement : les propriétaires/locataires/locateurs privés, les propriétaires sans but lucratif et les collectivités rurales.
  • Le financement devrait être modifié en fonction du revenu de telle sorte que les aînés avec peu de moyens bénéficient de subventions plus importantes.
  • Le coût estimé de ce programme est de 30 millions $ pour 12 000 adaptations par année. Il présuppose une contribution fédérale de 50 % et un coût moyen de 5 000 $ par adaptation.

Des faits

  • Bien que des programmes municipaux, provinciaux ou territoriaux appuient des adaptations domiciliaires, plusieurs n’arrivent pas à répondre à la demande. Il n’y a pas de programme universel pour répondre à ce besoin.
  • Quelquefois, la seule alternative pour vieillir à la maison demeure les institutions de soins de longue durée, ce qui représente un coût important pour le système de santé.
  • Permettre aux aînés de vieillir à la maison dans les communautés rurales est essentiel, car il y a souvent peu ou pas d’autres options pour eux dans leur région.
  • La proportion de ménages d’aînés qui connaissent des besoins impérieux en logement était de 14 % en 2016, alors qu’elle était de 12,2 % parmi les autres ménages (SCHL, 2019).
  • De 2011 à 2016, le nombre de ménages d’aînés qui ont des besoins impérieux en logement a augmenté de 21 % ce qui dépasse largement le 5,1 % d’augmentation pour les autres ménages (SCHL, 2019).
  • En Ontario, le coût par résident/par jour pour un aîné en centre d’hébergement de longue durée est de 149,95 $ par jour ou 54 730 $ par an (Ontario Long Term Care Association, 2019).

Enrichir les données fédérales sur l’habitation et établir un nouvel indicateur sur l’abordabilité

  • Présenter des données améliorées pour procurer aux ménages et aux décideurs politiques de meilleures informations sur l’abordabilité, sur le taux d’inoccupation des logements, sur les besoins impérieux en habitation et sur les marchés de l’habitation ruraux.
  • Un nouvel indicateur de l’abordabilité devrait tenir compte des coûts combinés de l’habitation et des transports. Cela aiderait à clarifier les compromis faits par les ménages lorsqu’ils s’éloignent des zones d’emplois pour obtenir une maison qu’ils peuvent payer.
  • Nous recommandons aussi une nouvelle analyse de marché de la SCHL qui rend compte de façon régulière et exhaustive de l’état des marchés locaux et régionaux de l’habitation.
  • Les besoins impérieux en logement devraient être mis à jour plus fréquemment et les données sur l’offre de logements, la demande et l’abordabilité dans les régions rurales améliorées et plus fréquentes.

Des faits

  • À l’extérieur du Canada, d’autres gouvernements commencent à adopter une vision élargie de l’abordabilité qui combine les coûts de l’habitation et du transport. Généralement, on utilise comme référence la limite de 45 % du revenu du ménage. Au Canada, nous n’avons pas de sondage régulier et rigoureux qui mesure le cumul des deux indicateurs.
  • Des longs trajets de déplacement ont un impact négatif sur les systèmes gouvernementaux (par exemple les infrastructures de transport) et limitent les progrès dans l’atteinte des objectifs gouvernementaux (par exemple l’augmentation de l’achalandage du transport en commun, la réduction des émissions).
  • Une étude du Metro Vancouver a mesuré les coûts combinés de l’habitation et du transport dans la région. Elle a découvert que les ménages locataires, gagnant moins de 50 000 $, pouvaient dépenser jusqu’à 67 % de leur revenu avant impôt pour les coûts d’habitation et de transport (Metro Vancouver, 2015).
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