Mise en contexte

La Tunisie a un avantage lorsqu’il s’agit de promouvoir l’égalité des sexes dans les affaires municipales locales. L’égalité des sexes est bien inscrite dans la loi à travers la nouvelle constitution de 2014, la loi électorale de 2017, et le Code des Collectivités Locales de 2018. Les lois encouragent la parité des sexes pendant le processus d’élection municipale et dans le cadre des responsabilités de la municipalité. La loi municipale favorise l’adoption de pratiques municipales inclusives, telles que la participation de tous les membres de la société et de la société civile à la conception et au suivi des projets de développement local.

Bien que le cadre juridique et la volonté politique soient en place, le défi consiste à passer des paroles aux actes. Historiquement, les affaires municipales dans le pays n’ont pas été inclusives, et les nouveaux élus (2018) avaient peu d’outils et d’expériences sur lesquels s’appuyer. Le Programme de leadership municipal inclusif (PLMI) de la FCM, soutenu par AMC, a travaillé avec des administrations locales et des conseils municipaux en Tunisie pour développer les compétences et les pratiques permettant de faire participer des membres de la communauté de tous les sexes et de tous les âges aux principaux processus de planification.

Les bonnes habitudes

L’un des processus de planification les plus importants pour les municipalités tunisiennes est la préparation de Plans d’investissement annuels (PIA) participatifs. Les PIA contiennent des projets qui seront mis en œuvre par la municipalité. L’équipe du PLMI a travaillé avec les administrations locales et les conseils municipaux sur des stratégies visant à accroître la participation active des femmes et d’autres groupes dans les travaux de planification et de prise de décision. Cela signifie que les femmes auraient davantage voix au chapitre en ce qui concerne la sélection des projets à inclure dans le PIA.

Pour augmenter le potentiel de durabilité, l’équipe du PLMI a intégré une perspective sexospécifique dans les outils et processus de planification existants utilisés par les administrations locales, plutôt que d’en créer de nouveaux. À chaque étape, ils ont intégré des réflexions sur l’égalité des sexes et la manière de prendre en compte les différents besoins des femmes et des hommes, ainsi que des groupes d’âges et de différentes capacités. Cette approche systématique visait à développer progressivement l’habitude d’analyser les aspects sexospécifiques dans le travail quotidien des administrations locales.

En multipliant les modules d’intégration des sexes à différentes échelles et étapes, on observe clairement une meilleure intégration des femmes au niveau local.

Appel à toutes les femmes

Pour accroître la participation des femmes, l’équipe du PLMI s’est d’abord concentrée sur les stratégies visant à augmenter la participation des femmes aux réunions. La communication inclusive en était un élément clé. Avec le soutien de municipalités canadiennes partenaires, les administrations locales ont élaboré des plans de communication inclusifs qui ont permis d’identifier les publics clés, ainsi que la manière de les atteindre et d’adapter les messages à chacun. L’équipe a également rendu les réunions plus accessibles en organisant des consultations dans les quartiers où vivent les femmes.

Un deuxième élément du travail consistait à s’assurer que les femmes étaient préparées à participer activement aux consultations. Avant les réunions, les femmes ont été informées sur l’objectif des réunions, sur la manière dont elles pouvaient contribuer et sur la différence que leur contribution pouvait faire. Les conseillères au sein des commissions municipales ont également été soutenues afin de jouer un rôle de premier plan dans les différentes étapes du processus de consultation.

La municipalité de Nabeul, par exemple, a transformé son processus participatif en élaborant un plan de communication inclusif axé sur cinq objectifs :

  1. Renseigner les citoyens sur le processus de budgétisation participative, le calendrier des réunions et la manière d’accéder à l’information;
  2. Les sensibiliser à leur rôle dans le budget participatif;
  3. Les encourager à participer aux réunions en présentiel ou en ligne;
  4. Soutenir la participation effective de la société civile aux réunions participatives;
  5. Encourager les citoyens à participer à distance en envoyant des propositions par le biais du site Web de la municipalité, de la boîte à suggestions, d’un courriel ou du courrier.

Pour chaque objectif, une attention particulière a été accordée aux femmes, aux jeunes et aux personnes ayant des besoins spécifiques. La municipalité a ensuite transformé son site Web et sa présence sur les médias sociaux afin d’utiliser un langage inclusif, y compris au féminin pour s’assurer que les messages s’adressent également aux femmes.

Sophie Allard, conseillère à la Ville de Brossard, au Québec, s’est rendue en Tunisie pour travailler avec les administrations locales sur la communication inclusive. En collaborant avec d’autres Canadiens, elles ont élaboré une formation sur les bases de la communication, notamment sur la manière de créer un plan de communication et d’atteindre les publics cibles.

« Il est important que notre plan comprenne plusieurs outils pour joindre les citoyens », explique la conseillère Allard. « Il faut parfois procéder à plusieurs consultations pour être sûr d’atteindre les jeunes, les femmes, les hommes, etc. »

Se basant sur l’expérience de sa propre municipalité, Mme Allard a partagé les conseils suivants sur la manière d’accroître l’engagement des femmes dans les activités participatives:

  • Choisir un lieu facile d’accès (central, accessible en transports en commun)
  • Choisir un moment qui respecte les horaires des familles
  • S’assurer que des moyens de transport sûrs sont disponibles au moment de la réunion
  • Utiliser divers canaux de communication, y compris les canaux informels
  • Veiller à ce que des services de garde d’enfants soient disponibles sur place
  • S’assurer que le message s’adresse aux femmes

Le droit d’être entendu

Enfants qui en apprennent sur la politique locale en Tunisie.
Enfants qui en apprennent sur la politique locale en Tunisie

Les municipalités ont été initiées aux droits de l’enfant dans le cadre d’une approche inclusive plus large. On leur a montré comment intégrer, dans leurs plans et leurs programmes, la perspective des droits de l’enfant. Inspirées par le droit de l’enfant à la participation, quatre des municipalités partenaires – Nabeul, Sidi Bourouis, Tabarka et El Marja – ont décidé de mettre en place pour chacune un Conseil municipal des enfants et ont tenu des élections pour chaque conseil conformément aux prescriptions internationales.

Elles ont fait connaître le processus par le biais de toutes les écoles de la municipalité. Des élections ont ensuite été organisées à trois niveaux : salle de classe, école et municipalité. Le résultat est un Conseil municipal des enfants paritaire et représentatif de chaque communauté. Le processus électoral a initié les enfants aux processus démocratiques, à la participation civique et aux affaires municipales.

Les quatre conseils municipaux des enfants sont actifs dans chaque municipalité. Chaque conseil a élaboré un plan d’action et organise ses propres réunions pour débattre des problèmes. Ils apportent leurs propositions aux réunions du conseil municipal. Cela permet ensuite au conseil municipal de mieux comprendre les besoins spécifiques des enfants, et en particulier des filles. Les membres des quatre conseils municipaux d’enfants ont également été réunis dans un camp pour développer davantage les compétences de leadership et les connaissances sur des questions telles que le changement climatique.

Les enfants ont également apporté des changements dans leurs communautés. À Sidi Bourouis, ils ont identifié le besoin d’un meilleur équipement dans les écoles primaires. Ils ont d’abord présenté l’idée au Conseil et ont continué à la défendre plus largement. Une organisation internationale a pris connaissance de leur initiative et a fait don de l’équipement aux écoles. À La Nouvelle Tabarka, les membres du Conseil ont lancé leur propre campagne de nettoyage de la plage locale, ce qui a incité la municipalité à se joindre à l’effort et à soutenir la campagne. Cette initiative a également permis d’inculquer aux enfants le principe de l’égalité des sexes. Les filles et les garçons ont développé une initiative d’intérêt commun et ont tous collaboré à égalité pour la mener à bien.

Julie Pressé, mairesse de Fortierville, au Québec, a partagé l’expérience de sa municipalité en matière d’intégration des droits de l’enfant dans les affaires municipales. Fortierville a adopté une Charte pour la protection des enfants, qui s’inscrit dans le cadre d’un effort plus vaste mené par Espace MUNI et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) pour sensibiliser le public aux droits des enfants et encourager les municipalités à mettre en place des actions pour protéger les enfants.

La Charte a incité Fortierville à sensibiliser le public aux droits de l’enfant par le biais du journal local et lors d’événements locaux et à verser des fonds à sa Maison des jeunes. La municipalité prend également des mesures pour que les enfants disposent d’espaces de loisirs sûrs. Ils ont installé de l’éclairage et des caméras de sécurité dans les parcs et font don aux enfants d’équipements sportifs pour garantir le droit de jouer.

« Nous voyons souvent trop grand. Je préfère dix petites actions plutôt qu’une seule grande, parce que mes dix petites actions auront un impact sur des jeunes aux intérêts différents. Ainsi, j’aurai atteint plus de gens et changé plus de choses autour de moi. »

Stephanie Watts, ancienne conseillère municipale de la ville de Montréal, au Québec, avait également de grandes expériences à partager sur l’engagement des jeunes dans l’action communautaire. Elle a mené un projet visant à réaménager une rue de son quartier et à la transformer en un espace de jeu, de loisirs et de socialisation. Lors de la consultation publique, la ville a fourni un effort important pour inclure les jeunes et les enfants afin de concevoir l’espace en fonction de leurs préférences. Une rencontre a été organisée autour du jeu libre, avec des animateurs jouant avec les enfants. Une fois la confiance établie, les animateurs ont discuté avec les enfants pour savoir quels types de jeux ils aiment et ce qu’ils apprécieraient dans un espace de jeu non traditionnel. Les méthodes consultatives utilisées ont également démontré que les enfants et les jeunes peuvent s’engager d’autres façons tout en ayant un impact.

« Il existe de nombreuses autres façons d’impliquer les enfants. Nous voulions illustrer une manière d’atteindre cet objectif, qui soit à la fois moins formelle et moins longue. Et maintenant, nous voulons diversifier ce que nous entendons par la participation publique des enfants. »

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