Après 28 années passées à la FCM, dont 13 en tant que chef de la direction, Brock Carlton tirera sa révérence pour une retraite bien méritée. Il s’est entretenu avec nous sur ses années passées à la barre de la plus grande organisation municipale canadienne et a évoqué la croissance qu’elle a prise au cours de son mandat.

À titre de chef de la direction, vous avez été un témoin privilégié de la croissance de la FCM. Comment qualifieriez-vous l’évolution de celle-ci au cours de votre mandat ?

Beaucoup de choses ont changé. D’une part, le nombre de municipalités membres a énormément augmenté. En l’an 2000, nous avons franchi le cap des 1000 membres. Depuis mon arrivée comme PDG, nous sommes passés à 2000 adhérents, chiffre que nous maintenons de façon constante. Cela a procuré toutes sortes d’avantages à l’organisation en termes de portée, de force, de présence et de pertinence pour le pays.

L’autre chose qui a beaucoup changé, c’est notre degré d’influence. Nous avions l’habitude de produire de beaux rapports, de les diffuser et d’en parler aux médias. Nous parvenions à avoir des discussions avec des ministères ou des instances politiques, parfois avec un certain succès. Maintenant, nous sommes consultés en amont : nous signalons les problèmes et les défis municipaux, puis proposons des solutions. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour concevoir des programmes et des politiques menant à des solutions avantageuses pour nos membres.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour concevoir des programmes et des politiques menant à des solutions avantageuses pour nos membres.

Donc par rapport à notre façon de travailler, je dirais que nos interventions sont beaucoup plus pertinentes aujourd’hui pour nos membres que celles que nous faisions il y a une dizaine d’années en raison des enjeux que nous traitons. De plus, les programmes ont réellement augmenté notre pertinence comme prestataire de services auprès de nos membres et comme partenaire incontournable du gouvernement fédéral. Notre rôle est beaucoup mieux défini.

Nous nous en tenons à un certain nombre d’activités (politiques et relations gouvernementales, mise en œuvre de programmes, offrir un lieu d’échanges pour les municipalités), et nous les faisons vraiment bien.

Comment la FCM a-t-elle réussi à équilibrer son rôle de représentation des intérêts de ses membres avec celui de partenaire du gouvernement dans la mise en œuvre de programmes ?

Je pense que nous avons très bien réussi à maintenir un fin équilibre. Nous avons veillé à aligner le contenu des programmes sur notre travail politique. Nous avons joué notre rôle de représentant des intérêts municipaux pour demander des comptes au gouvernement, en étant très clairs sur ce que nous faisons et disons, et pourquoi, car il s’agit d’une priorité. Nous faisons très attention à nos déclarations publiques et nous nous assurons que les instances bureaucratiques et politiques connaissent nos positions et sont au fait de nos préoccupations.

Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier en tant que chef de la direction de la FCM ?

Il y en a eu plusieurs ! Je ressens une grande fierté lorsque j’entends les gens dire à quel point ils aiment travailler à la FCM. J’ai travaillé fort, comme beaucoup d’autres, pour créer un milieu de travail satisfaisant, pour que les expériences professionnelles soient gratifiantes et que les gens aient le sentiment que leur travail a un impact, qu’ils influencent le cours des choses. Ce sentiment de satisfaction au travail est vraiment important pour moi.

Je ressens une grande fierté lorsque j’entends les gens dire à quel point ils aiment travailler à la FCM.

Une autre source de fierté pour moi est le degré de satisfaction et d’implication des membres envers la FCM. Bien sûr, toute municipalité ayant payé sa cotisation bénéficie de notre travail. Mais le niveau d’engagement et d’appartenance envers l’organisation est une mesure importante qui a considérablement augmenté au cours des dernières années. Pour preuve : nous avons actuellement un taux de rétention des membres de plus de 97 %, malgré que nous ayons augmenté nos frais d’adhésion de 30 %.

Comment passer sous silence des gains majeurs que la FCM a obtenu pour les municipalités, ne pensons qu’au Fonds de la taxe sur l’essence ou au Plan d’action économique, sans oublier les fonds des récents budgets fédéraux en matière d’infrastructures et de transports collectifs. Évidemment, l’investissement d’un milliard de dollars dans le PGAM et le Fonds municipal vert en 2019 a été un grand moment de fierté pour moi et pour tous les membres de l’organisation. Et il fait bon se rappeler que nous avons eu une influence majeure sur la Stratégie nationale sur le logement mise en œuvre par ce gouvernement.

Un autre moment de fierté réside dans l’expérience que j’ai vécue en 2003 lors du sommet Africités à Yaoundé, au Cameroun. Ce congrès réunissait 2 300 participants provenant de 67 pays et était axé sur le développement urbain en Afrique. La FCM y a reçu le prix du Partenaire exceptionnel de la coopération décentralisée, la seule distinction décernée à une organisation non africaine. Il s’agissait d’une grande reconnaissance de notre programme de partenariat municipal et du travail fructueux que nous réalisions en Afrique. Je me souviens d’avoir prononcé un discours de remerciement évoquant la solidarité municipale dans une salle très chaude et pleine à craquer. C’était avant que je devienne chef de la direction, mais cela a assurément été un moment fort.

Mais ce ne sont pas toujours les grandes choses qui comptent. Je me souviens d’avoir assisté à une réunion au Manitoba où un maire s’est levé pour dire : « Je viens de la plus petite ville du Manitoba et j’aime le travail que vous faites dans le cadre de notre projet Première Nation-municipalité ». Le fait qu’il ait pris la peine de se lever pour dire qu’il aimait travailler avec notre organisation parce que nous faisions quelque chose de vraiment important dans son coin de pays sur développer les relations de sa municipalité avec la collectivité autochtone voisine a été pour moi un moment qui m’a rempli de fierté.

Don, Brock, Carole

Pensez-vous que les défis auxquels les municipalités font face maintenant ont changé ou sont restés les mêmes depuis votre entrée en fonction ?

Je crois qu’une réalité à laquelle nos membres sont confrontés est les changements démographiques, et plus précisément ceux provoqués par une rapide urbanisation. Cette évolution entraîne à son tour son lot de défis ; pour les collectivités rurales, on peut penser au maintien de la viabilité économique et du dynamisme local à mesure que les gens s’installent en ville. Pour les villes, fournir des services à un coût abordable pour les citoyens peut devenir un casse-tête.

Mais je pense que le plus grand défi des municipalités réside dans l’obsolescence des cadres intergouvernemental et financier. Ceux-ci n’ont pas suivi l’évolution de la position, du rôle et des responsabilités des villes et des municipalités canadiennes. Elles se retrouvent donc constamment sous-financées et sous-représentées aux tables de décision.

Mais je pense que le plus grand défi des municipalités réside dans l’obsolescence des cadres intergouvernemental et financier. Ceux-ci n’ont pas suivi l’évolution de la position, du rôle et des responsabilités des villes et des municipalités canadiennes.

La crise actuelle de la COVID-19 met justement en lumière ces lacunes du cadre politique canadien qui découlent de la présence insuffisante des municipalités à la table des négociations. Les municipalités font partie intégrante de la santé et du bien-être des communautés. Le rôle croissant des villes partout pays ne se reflète ni dans leur participation aux discussions politiques, ni dans les décisions économiques qui sont prises pour elles, plutôt qu’avec elles. L’influence morale et le bien-fondé de cet argument gagnent petit à petit du terrain, mais les structures et les pratiques ne sont pas à jour. Nous avons réalisé d’importants progrès et la FCM continue à faire passer ce message pour que l’on participe à ces conversations. Il reste encore beaucoup à faire.

Quelle a été, selon vous, la plus grande réussite des programmes de la FCM au cours de votre passage dans notre organisation ?

Tous les programmes que nous mettons en œuvre ont un impact sur la vie des gens. Qu’il s’agisse de nos programmes internationaux ou des programmes nationaux pour augmenter le nombre de femmes en politique ou améliorer les relations entre les Premières Nations et les municipalités.

Et puis, bien sûr, il y a eu l’investissement d’un milliard de dollars l’année dernière dans le PGAM et le Fonds municipal vert (FMV). Cette étape a eu une grande importance. En 2000, le FMV n’était qu’une idée. La FCM a conçu ce programme de manière vraiment créative pour stimuler à la fois l’innovation et la viabilité environnementale.

Tous les programmes que nous mettons en œuvre ont un impact sur la vie des gens. Qu’il s’agisse de nos programmes internationaux ou des programmes nationaux pour augmenter le nombre de femmes en politique ou améliorer les relations entre les Premières Nations et les municipalités.

Je vois l’investissement massif de l’année dernière comme une reconnaissance de l’efficacité historique de la mise en œuvre de nos programmes ; une confirmation importante de la qualité qu’on nous prête et de la confiance qu’on nous accorde, mais c’était aussi une façon, je crois, de nous tester pour voir si la FCM peut vraiment gérer ce volume de demandes et fournir un travail de qualité qui soit conforme à l’intention du gouvernement fédéral d’avoir un impact sur les collectivités. Du moins, c’est comme ça que ça m’est apparu. J’ai confiance que nous allons réussir à nous acquitter de cette tâche. Mais si je dis que c’est un test, c’est parce que je pense qu’il y a encore beaucoup d’autres occasions à saisir. Je crois qu’à mesure que nous avancerons, il deviendra de plus en plus clair que nous sommes efficaces, efficients, performants et axés sur les résultats. Cela permettra de définir de nouvelles possibilités pour la FCM.

À l’occasion de votre départ, si vous pouviez offrir des conseils à votre successeure Carole Saab, que lui diriez-vous ?

Tout d’abord, cela peut sembler technocratique, mais je crois que le plan stratégique que nous avons récemment élaboré montre plusieurs pistes à suivre pour mener le pays dans la bonne direction. Il comporte certains éléments clés comme l’élargissement de notre partenariat avec le gouvernement fédéral ainsi qu’un réalignement du cadre financier municipal. Et il comporte aussi un chantier de programmes encore plus vaste. Il présente également un renouvellement et un renforcement de notre rôle en tant que lieu d’échanges pour les municipalités et de moteur de changement de l’ordre du jour national.  

On a vu dernièrement l’importance de ce dernier point avec la création de notre site web consacré à la COVID-19. Il a permis de rassembler toute l’information à ce sujet en un seul clic, de voir des initiatives réalisées par leurs pairs qui permet aux gens d’ajouter de l’information, de poser des questions, d’échanger entre eux et d’apprendre les uns des autres.

Et deuxièmement, il y a la création de l’équipe spéciale sur les solutions économiques de l’Ouest. C’est un bel exemple de cette notion de lieu de discussion qui a émergé dans le cadre de notre réflexion pour l’avenir de la FCM. C’est un forum permettant aux membres de l’Ouest canadien de discuter entre eux afin que nous parvenions à mieux comprendre leurs besoins et à déterminer comment intégrer leurs besoins un cadre politique plus large. La notion de lieu d’échanges est vraiment importante pour l’avenir de la FCM qui nous aidera à renforcer notre influence au pays.

Enfin, je lui conseille de nourrir et d’entretenir la culture organisationnelle que nous avons tissée : il faut la chérir et l’incarner pleinement pour qu’elle demeure bien vivante. Et aussi de se rappeler qu’on a la chance de s’adresser aux personnes d’influence du pays — premier ministre, décideurs, élus, etc. — pour orienter leur façon de penser et leur prise de décisions afin d’assurer le bien-être des collectivités et d’améliorer le sort des personnes qui n’ont pas voix au chapitre.

Je lui conseille de nourrir et d’entretenir la culture organisationnelle que nous avons tissée : il faut la chérir et l’incarner pleinement pour qu’elle demeure bien vivante.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

Seulement le fait que j’ai adoré les 13 dernières années et mes 28 ans passés à la FCM. Et que j’ai beaucoup aimé être le chef de la direction de cette organisation. Ça a été une expérience extraordinairement enrichissante pour moi. J’en quitte la barre, mais je vais continuer à entretenir une passion pour cette organisation et ce qu’elle représente. Même si nos chemins se séparent, le parcours de ces 13 dernières années nous a tous changés, et j’en serai toujours reconnaissant.

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